Merci à Anne Véronique de Coppet et à sa fille Béatrice pour leur accueil. Et merci à elles d'entretenir si bien la mémoire de cet écrivain majeur, que des lectures de textes pendant la visite ont permis de redécouvrir sous divers aspects de sa personnalité et de son grand talent.
«
Le Tertre, tel qu'il ressortira de mes mains, sera incontestablement
une œuvre. Une de mes œuvres. » écrit Roger Martin du Gard dans son Journal à la
date de novembre 1924.
Et
déjà, le 14 juillet 1921, il définissait ce que serait le Tertre
:
« Je ne puis m'empêcher d'y situer tous les rêves d'avenir. Je voudrais créer là une œuvre d'art complète ; je puis le faire, je puis parachever l'enchantement, l'harmonie naturelle de ce lieu. J'aimerais, avant de mourir, avoir pu utiliser les dons que j'ai pour faire là un ensemble unique, et en faire profiter ceux qui m'entourent. Je rêve d'une hospitalité ouverte à tous mes amis, dans ce cadre inoubliable. »
« Je ne puis m'empêcher d'y situer tous les rêves d'avenir. Je voudrais créer là une œuvre d'art complète ; je puis le faire, je puis parachever l'enchantement, l'harmonie naturelle de ce lieu. J'aimerais, avant de mourir, avoir pu utiliser les dons que j'ai pour faire là un ensemble unique, et en faire profiter ceux qui m'entourent. Je rêve d'une hospitalité ouverte à tous mes amis, dans ce cadre inoubliable. »
A
Gide qui s'étonne de n'avoir pas de nouvelles depuis un certain
temps, Martin du Gard expliquera que ce projet lui prend du temps :
Bellême,
Orne 6 juin 25
Cher
grand ami.
Je
comprends bien que vous ne puissiez tout à fait comprendre... La
vérité est que j'ai entrepris de bien plus grands travaux que je ne
l'ai dit, et que c'est bel et bien une restauration générale de
toute la maison, avec, pour ainsi dire, la création, la re-création
d'un parc (gros transports de terrains, surélèvements,
nivellements, des milliers de mètres cubes à remuer, abattages
d'arbres, plantations, percements, dessins d'allées, etc. Sans
compter un bassin, une fontaine d'eau vive...) Et pour tout ça, je
suis comme Andoche, lorsqu'il dit : « J'ai mon idée d'imbécile
là-dessus, comme sur toutes choses... » J'ai tout dessiné, prévu,
combiné si méticuleusement que je me trouve « responsable »,
et si fort engagé personnellement à la bonne exécution de cette
vaste entreprise que je suis bien maintenant obligé de la suivre,
jour après jour, et de veiller à la réalisation intégrale.
Croyez-moi
cependant si je vous dis que j'ai une petit pièce à l'écart, où
je me réfugie constamment et où la table est couverte par les «
dossiers » Thibault, IVe partie. Aujourd'hui même, je ne me suis
presque pas occupé d'autre chose. Mais je n'en suis pas encore à
«écrire » le premier chapitre, ça non...
Vous
pensez bien que ce ne sont pas les maçons qui m'empêcheront de
faire un saut à Paris, et que je ne vous laisserai sûrement pas
partir sans une furieuse accolade.
Et
le voici enfin habitant cette œuvre achevée :
«
Cher Tertre! Je jouis infiniment du parc. Est-ce la beauté du site ?
Je suis pourtant extrêmement peu sensible aux « paysages » ! Non,
c'est plus subtil. Ce que j'aime tant ici, c'est une exceptionnelle
harmonie entre cette nature-là (l'été, avec la chaleur) et moi.
Aucun, aucun endroit du monde ne m'a jamais semblé être aussi
exactement le décor de mon monologue intérieur. J'y retrouve tout
ce qui fait le propre de ma vie spirituelle. Ma pensée prend de
l'aisance dans ces beaux espaces, s'ordonne bien dans ce cadre aux
justes proportions, s'épanouit dans ce silence un peu sauvage, se
développe librement dans ce lieu qui est à la fois intime,
recueilli, et empreint de grandeur. L'ombre est haute sous ces grands
arbres; le regard s'allonge hardiment vers ces horizons éloignés
; et pourtant les premiers plans vous limitent : le concret est là
tout autour, proche, rassurant, mais nullement tyrannique. Il n'y a
guère d'endroit qui mériterait si bien qu'une grande œuvre naisse
là. (C'est un endroit où l'on imagine Montesquieu écrivant
L'Esprit
des Lois...) Et
peut-être que je ne dis pas le principal : ces vieilles pierres
usées et toujours solides, ces vieux arbres devenus si beaux pour
avoir poussé lentement, obstinément, sur un sol très ingrat,
toutes ces traces d'un passé qui dure, sont un exemple convaincant
de ce que peuvent la patience, la ténacité, la
collaboration de la volonté et du temps, pour
la réalisation d'une œuvre, d'une vie, préméditées.»
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